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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 13:49

De nuit, le phénomène est impressionnant. Sur cette surface lisse, alors que le vent de l'aube n'a pas encore ridé les eaux, mon canoë glisse sur une fine pellicule verte, presque fluorescente à la lumière d'une torche halogène puissante. Les milliards de particules du vivant qui flottent dans cette soupe olivâtre sont immédiatement perçues comme une menace inquiétante et furtive, presque surnaturelle.  Ce milieu aquatique surchargé en sels minéraux est fortement perturbé.

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Curieusement il semble riche et encore très varié, comme tous les milieux en phase d'eutrophisation, qui voient leur biomasse s'accroître avant de s'effondrer brutalement. Mes eaux portent un mal coloré, une algue bleue, verte quand elle est humide, menaçant un équilibre qui n'aura bientôt plus rien d'aborigène.
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L'Eutrophisation est définissable comme un enrichissement anormal de mes eaux où des nutriments azotés et phosphorés, le plus souvent importés par l'homme, alimentent mes plantes et bactéries en excès. La pollution par les sels minéraux ajoutés est d'autant plus grave que mes milieux humides continentaux sont fréquemment fermés, par la main de l’homme, en particulier. Les nitrates rejetés sans mesure par les agriculteurs et les éleveurs de bétail se solubilisent rapidement alors qu'une part importante de l'azote utilisé en culture se dissout dans mes eaux souterraines. La fertilisation de mes forêts, comme dans les massifs montagneux, les fosses septiques, les rejets industriels et de l'urbanisation concourent aussi à accentuer le phénomène.   

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La vie microscopique qui s'agite à la surface des eaux de l’étang conduit alors à la disparition des algues indigènes et du phytoplancton qui assurent l'oxygénation du milieu. Les conséquences changent alors radicalement les biotopes, la diversité des espèces décroît et les espèces dominantes changent, au profit d'autres quelles soient végétales et animales, tout en monopolisant le milieu humide.

La turbidité de mes eaux, phénomène de concentration de matière en suspension, provoque une diminution de la luminosité des fonds et son asphyxie progressive par une sédimentation importante dont le stade ultime est l'anoxie des êtres du vivant qui disparaissent faute de pouvoir respirer. Algues bleues, vertes et filamenteuses comme l'Ankistrodesmus falcatus ou rouges nommées Batrachospermun valgum sont des indicateurs certains d'un dérèglement important.

Eutrophique005.jpgEt conduit à cela!

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Un danger latent flotte sur les eaux de France qui sont en voie d'eutrophisation avancée! Si la présence de cyanobactéries qui est principalement dû à un excés d'azote et de phosphore ne semble pas, pour le moment, avoir un impact sur le biotope local, il faut savoir que ce problème touche également de nombreux réservoirs naturels destinés à la consommation humaine, tant en France que dans tous les pays d'Europe! Ces cyanobactéries produisent de nombreuses toxines dont la microsystine qui agit sur le foie. Cette algue bleu-verte est une cyanophicée, héritière de lointains et ancestraux organismes qui ont inventé la photosynthése, elle se complait dans mes eaux tièdes et lumineuses. Le danger est le suivant, les cyanobactéries montrent une grande capacité d'adaptation aux changements physico-chimiques, il y a seulement quarante ans, on observait quelques individus par ml, à ce jour il est malheureusement fréquent de comptabiliser jusqu'à deux millions d'individus par ml!
Eutrophique014.jpgLe grand cormoran, repu, réchauffé et sec est au repos

De la forte irritation cutanée, en passant par des crises de gastro-entérites et les fortes fièvres chez l'homme, les neurotoxines dégagées, bien plus dangereuses, affectent aussi les animaux de l'étang! Les symptômes sont variés, tremblements, convulsions, suffocations, cou renversé chez les oiseaux, une mort lente et certaine engendre des pertes massives chez l'avifaune et les petits mammifères du biotopes de l'étang! Curieusement, ces neurotoxines sont présentes dans de nombreux pays industrialisés, Australie, Etat unis, Portugal, Angleterre, Japon, Canada, et bien d'autres, hormis dans les eaux françaises, pour la simple raison qu'elles ne sont pas ou peu recherchées!

Et pour cause, le traitement approprié demande un doublement de notre facture d'eau potable ce qui, en ces temps difficles, est politiquement incorrect!

Merci de votre visite. A bientôt

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Sauve qui peut!
 

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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 13:35

glace001.jpgProche voisin de l'Europe, isolé entre sables et Méditerranée, un autre monde s'ouvre au désert tunisien durant les Nuits Blanches! Une lumière chaude contraste violement avec les températures glaciales qui règnent sur l'obscurité des contrées sahariennes. Contraste de la matière inerte, des couleurs multiples et sans usage, de la brume qui flotte sur les sols gelés, du ciel floconné de nuages déchirés par les vents qui accompagnent les nuits blanches. Blanches, parce que toutes les couleurs s'y retrouvent, inhabituelles et excessives! Plongé dans une autre dimension- un autre univers, géré par les nuits, déformé, obscurci et flagellé par un souffle puissant et caressant- il est inutile de chercher à dormir sereinement durant les nuits blanches. La nature attend, les bêtes se terrent, même l'homme semble absent de leurs paysages ingrats et sauvages.



Une fébrilité naît du vent et de la lumière pure, les monts du djebel Dahar et du Tebaga rosissent, les verts exultent dans les étendues jaunes, les dunes de Jeffarra et les terres de Matmata rougissent, le ciel et les montagnes prennent la couleur de l'or et certaines roches du littoral, des formes surnaturelles et saisissantes. Fantomatique ou animal, ce qui vit se mélange au sablon, à la roche et au sel, le désert s'apaise quelques jours avant de reprendre sa marche, provisoirement stoppée par les nuits blanches. Les éléments naturels se liguent, grandes marées, froids nocturnes, vents du nord et lumières lunaires poussent les ténèbres à devenir clairs. Les premiers instants de l'aube-totalement irréels- les repoussent au moment ou les couleurs froides du crépuscule tentent de ronger les teintes chaudes de la lumière rasante du jour levant.

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Le combat dure vingt jours puis elles succomberont aux nuits noires qui annoncent le début de l'été brûlant tunisien.



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Le roc, le sable et l'eau salée:

Djerba la douce m'offre la possibilité de découvrir les décors variés du grand sud sans aucune difficulté. Ecrasant le golfe de Bougrara cette île légendaire située au sud-est de la Tunisie est encordée au continent par un mince filin de bitume noir. La Méditerranée s'y révèle par des reflets surprenants et sombres, sur le continent le désert juxtapose toutes ses formes dans une palette de teintes amplifiant tous les tons possibles. Dilués sur les terres, dans un spectre lumineux étonnant, s'orchestrent des orages spectaculaires et bruyants. Les nuits blanches génèrent une ambiance surréaliste, une fièvre pénétrante, s'enfle dans un vent glacé qui hurle sa folie jusqu'aux premières heures du jour. Midoun est mon point de départ, cette petite ville du nord-est de l'île me permet d'attendre les premiers signes.

La côte sauvage a été réduite à une peau de chagrin par la sauvagerie des hommes, cependant, pour qui sait ressentir les nuits blanches, les rivages recèlent encore de nombreux trésors. Le vent boréal fait ployer les palmiers vers le grand sud en suivant les grèves qui varient de plages farineuse en roches calcaires sculptées par des embruns incessants. Certains rochers prennent alors les formes de monstres marins pétrifiés par les dieux d'un autre millénaire. Les fous à pois jaunes peuplent ces lieux isolés après une pêche miraculeuse entre deux rouleaux d'écume verte, puis y sèchent leurs ailes à tous les vents, observant le rythme régulier des vagues.

 


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Une atmosphère lancinante se propage sur le roc, le sable et l'eau salée, bercée par les bourrasques du zéphyr! Les palmiers étendent leurs ombres longues, les mousses agglutinées aux rochers, lissés par les flots, dégagent un vert fluorescent presque magique, les plages  transpirent des reflets cyans miroitant un ciel bleu azur. Des flotteurs jaunes vifs se dandinent entre les lames qui meurent lentement sur une silice dorée. La dernière marée, poussée par d'autres éléments, a rejeté des tonnes de varech, éponges, os de seiche et fruits des mers jonchent les rivages gorgés d'eau saline. Burinées par le sel, l'eau tiédie et le soleil septentrional, des portes s'ouvrent dans un univers minéral pour qui souhaite les entrebâiller. Bariolées et gavées de filets légers, quelques barques paressent sur la plage, la proue pointée vers le continent, elles patientent, elles aussi, après la prochaine marée. Quelques jeunes pêcheurs se hâtent de démêler un dernier filet, la nature n'attend pas l'indécis. Tout est en place, à la nuit tombée les nuits blanches déferlent sur les sables, le roc et les déserts salés puis s'engouffrent sur le continent!



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Une clarté vaporeuse se répand au sud en direction du Mogor, culminant à 661 mètres d'altitude. A l'est, le ciel s'étiole d'une lueur faible, sur la route de Métameur un minaret apparaît bientôt dans le lointain. La lumière du jour naissant pointe un spectre mou sur l'édifice blanc qui est le premier à profiter de sa douce chaleur. Une palmeraie éparse se découpe sur un ciel dégradé qui passe rapidement du bleu au vert et s'échauffe en variant de tons orangés puis vermeilles.

 

 

Les feuilles encore noires des palmes tranchent sur un embrasement de couleurs ardentes. Le vent se lève, lui aussi, glace la peau et le sang rapidement. Sur le chemin de Métameur les ksars -qui ont connu des heures plus glorieuses sous la Rome antique- éclatent de contrastes frénétiques qui se reflètent sur un sol presque rose. Je dois néanmoins faire vite, le meilleur est à venir. Mon guide s'éveille lentement, le moteur ronronne imperceptiblement, la route de Matmata et le djebel Dahar découvrent alors toutes leurs spécificités, au loin le Tébaga a pris des tons rosés, un assortiment d'ocres et de jaunes or domine le paysage. Les roches et la maigre végétation renvoient des teintes verdâtres et safran, les bas sommets varient du roux au cyan entre deux ondées solaires. Chaque détour de la route provoque une surprise, l'œil ne peut se fixer sur un  point déterminé sans qu’il ne soit irrésistiblement attiré par un autre, plus vif encore!

Tout se mélange, l'eau et l'air, le ciel et la terre, la lumière dense et l'ombre molle, les couleurs froides ou chaudes, le minéral, le végétal et l'animal, dans une nature ridée par les temps anciens où une succession de lignes courbes, tendues ou sinusoïdales découpent les paysages des nuits blanches. Le monde y paraît presque infini! Ici un âne attend son maître, les nasaux filtrant l'air et les oreilles dressées, entravé des pattes gauches par une courte chaine, il piétine à l'entrée d'une étable creusée à même la roche. La forêt d'eucalyptus attend aussi, tout autre chose, le feuillage froissée,  les branches pendantes, elle se résigne à subir une pluie incertaine et salutaire.



Tempête


  

Sans entrée visible et sans fin, les pistes muletières dont l'origine n'est plus connue, se faufilent dans la pierre et les couleurs froides des nuits blanches. La terre a envahi le ciel, la montagne fait corps avec l'azur dans un monde de couleurs vaste et sans issue apparente. Parfois plat, souvent bombé ou abrupt, voire dressé, le paysage n'en fini plus de changer, mon esprit divague avant de s'égarer. Bloquant l'horizon une barre orageuse se propage rapidement dans la direction du golfe de Gabès. Tamezret est en vue, les premières constructions en pierre de taille se reconnaissent comme des voiles tendues dans une mer de vagues minérales. Les ruelles pavées de roches plates sont désertes, seul le vent s'y engouffre, aspirant les traces d'humidité laissées par le dernier orage. Une vieille femme vêtue de rouge, accompagnée d'une chèvre noire, se penche à la recherche de plantes dans un champ de roches, jonché de pierres éclatées. Les allées du village serpentent d'escaliers en passages dérobés, de porte en porte, dans un labyrinthe emmuré et préservé du regard de l'étranger.

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En fin de journée, les nuages renversent leurs ombres sur le djebel, coupent les routes, isolent les villages perdus et cassent les contrastes, préparant l'action du gel nocturne. Les éléments se déchainent, la nuit diffuse une lumière astrale, les vents s'enroulent indéfiniment sur les sables, hurlant et crachant leurs complaintes jusqu'au bout du monde. L'ambiance est surréaliste, elle pénètre le continent et l'esprit.



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Les sables jaunes de Zaafrane:

Après une nuit agitée, les rayons verts pâles, presque translucides, se glissent entre les premières lumières de l'aurore. Au moment ou le rayonnement remplace lentement l'obscurité, les terres sablonneuses traversées par l'oued En Negueb renvoient des accents rouge carmin, les calcaires des reflets jaunes orangés, les pistes de montagnes verdissent à nouveau et les sommets qui dominent le village de Toujane prennent des moires dorés entre les ombres bleutées. Il semble que la froidure des nuits blanches réveille les nuances qui se cachent dans le minéral et le végétal.

Seul être présent, sur la route de Douz, à cette heure matinale, le scorpion jaune quitte son refuge de pierres pour se réchauffer au sommet d'un rocher exposé aux rayons solaires. Ses pinces fines et longues traduisent sans conteste le pouvoir de sa piqûre mortelle. Pinces écartées, queue dressée, l'ombre du scorpion, dard contracté, s'étend vers le sud et les sables jaunes de Zaafrane, mais l'indestructible dard  finira par s'enfoncer profondément dans le sol pour ne réapparaître que durant les nuits noires. Je pose le pied sur un sol tiède en fin de matinée, après avoir parcouru soixante kilomètres d'un bitume poussiéreux et vide. Une méharée divague entre les dunes, de nombreux dromadaires entravés, couchés ou pattes écartées, prennent du repos au soleil de midi. Une certaine nervosité flotte dans un vent lourd et lent, chargé d'une fragrance particulière! Les chevaux du désert bavent bruyamment, s'invectivent et gonflent une poche buccale, à tour de rôle, dans l'espoir d'attirer une femelle. C'est la période du rut chez le dromadaire, les bêtes sont agitées et irritables, mieux vaut s'en détacher. Un nomade berbère, vêtu de bleu chevauche un mâle blanc peu commun dont les grognements emplissent les portes du grand erg. Une immense palmeraie, fraîche et humide, jouxte les dunes et démarque l'horizon. Les palmes des dattiers se découpent sur un ciel bleu et blanc, se déployant vers les cieux à l'image des ombres qui couvrent une herbe grasse et assoiffée par le dernier été. Des bottes de branchages, soigneusement préparées, attendent un prochain transport vers les villages du sud tunisien, pour y finir en combustible ou en palissade!


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  • JLV
  • AUTEUR PHOTOGRAPHE
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